L’auteur et comédien Régis Vlachos nous livre les coulisses de son métier entre philosophies, écriture et interprétation, vous saurez tout de sa nouvelle pièce : Cabaret Louise, une œuvre divertissante mais aussi historique !
L’auteur et comédien Régis Vlachos nous livre les coulisses de son métier entre philosophies, écriture et interprétation, vous saurez tout de sa nouvelle pièce : Cabaret Louise, une œuvre divertissante mais aussi historique !
Bonjour Régis Vlachos, de la philosophie au théâtre, racontez-nous votre parcours...
Eh bien comment dire ; j’étais très exigeant comme professeur de philosophie, aujourd’hui on dirait que je mettais la pression aux élèves ; « mettre la pression » je ne supporte plus ces expressions ou mots répétés sans cesse ; mais bon ce n’est pas le sujet ! De ce fait, je me devais de les intéresser, j’étais insistant sur leur apprentissage de cette manière nouvelle ; aujourd’hui on dirait que je ne lâchais rien ; « ne rien lâcher » je déteste… mais bon ; bref mes cours développaient sans que je le sache des outils de comédiens : modulation de la voix, cabotinage sur Spinoza : « Alors si Dieu a créé l’univers, il foutait quoi avant ? » ; déplacement dans l’espace, blagues, etc… Du coup, j’ai décidé de devenir comédien, de me former professionnellement, même si depuis le lycée, je faisais du théâtre par-ci par-là…
"Cabaret Louise, un sacré pari ! Parler histoire en divertissant, parlez nous de votre dernière création.
La pièce a été créée en 2018 ; c’était d’abord un hommage pour les 50 ans de Mai 68 ; un hommage à la révolte. Et la figure de Louise Michel s’est imposée rapidement, elle faisait partie de mes mères adoptives de la Révolution ! Son discours à son procès le 16 décembre 1871 est un monument d’émancipation, de courage et de littérature ; il fallait que je le mette dans un spectacle de théâtre ; je pourrais dire que toute la pièce fonctionne en entonnoir pour ensuite déboucher à la fin sur ce monologue brillant et révolté. Louise Michel c'est la révolution permanente, c’est l’intelligence et le courage fait femme. Par ailleurs, je pense comme Brecht que le théâtre est un divertissement, j’aime l’humour et le décalage qui ne vont rien enlever au tragique et à la profondeur de situations ou de drames. Le pari fut gagné je pense : notre succès à Avignon en 2019, c'est parce que les spectateurs se faisaient passer le mot que la pièce était drôle et barrée ; et pas du tout parce qu’ils allaient se prendre un moment d’histoire et de révolution dans la gueule !
Auteur du livre “Partisans : 27 mai 1943, dans l’antichambre de la première réunion du conseil de la résistance”, comment est née votre passion pour l'histoire ?
En lisant à mes 20 ans une histoire de France, de je ne sais plus quel historien ; le chapitre sur la Troisième République s’intitulait « la république de la honte ». Donc toute notre gloire de Français sur cette fabuleuse Troisième République était bâtie sur un malentendu : le massacre par le gouvernement français de 30 000 Parisiennes et Parisiens ; c’était la semaine sanglante de la Commune de Paris… Depuis, l’Histoire ne m’a plus lâché, je sais qu’elle est d’abord un mythe qu’il faut revisiter.
Par ailleurs, ma formation philosophique me permet de synthétiser plusieurs livres pour en faire un synthèse pour la scène ; et ma fantaisie d’en faire un objet théâtral amusant ; sans rien trahir je pense. « Partisans » c’est toute l’histoire de la Résistance en une heure ! Derrière le mythe d’une Résistance unifiée derrière De Gaulle, la réalité de groupes qui s’affrontent et qui ne supportent pas ce Colonel de droite qui va à la messe !
Parlez-nous du casting de la pièce, avez vous participé à la sélection des artistes ?
On est une petite troupe, en l’occurrence deux pour l’instant ; nous avons une très grande complicité avec ma partenaire de scène, Charlotte Zotto qui de plus est une comédienne fabuleuse. On joue ensemble depuis 10 ans ; d’abord dans « La vie de Galilée » de Brecht, puis dans « Little Boy » que j’ai aussi écrite, « Le Marchand de Venise » de Shakespeare… Dans l’autre pièce que nous tournons beaucoup, « Dieu est mort et moi non plus j’me sens pas très bien », elle fait de petites apparitions ; je me devais donc de lui écrire le plus beau des rôles pour un femme : Louise Michel. Bref, avec Charlotte c'est une belle histoire d’amitié et de théâtre !
Jeux de lumière, mise en scène signée Marc Pistolesi, parlez nous de cette scénographie absolument réussie !
Que dire de Marc ! C'est une rencontre inouïe ; et en plus il vient de Marseille comme quoi, et on se rencontre à Paris. Il a flashé un peu sur le texte et beaucoup sur le duo avec Charlotte quand il nous a entendus en lecture. C’est tout le talent d’un metteur en scène d’être fantasque et de proposer à la scène des innovations, des surprises, des choses qu’on voit rarement ; bref faire un décor non réaliste, ce qu’est le théâtre pour moi. En plus j’avais écrit pas mal de gags dans « Cabaret Louise » ; Marc les a étirés, renforcés. Notre devise commune à lui et moi c'est de voir jusqu’où il est possible d’aller trop loin ! Et puis, malgré son jeune âge parce qu’il est plus jeune que moi ce petit con) il a beaucoup d’expériences ; ce qui aide quand on fait de la mise en scène ; sa mise en scène d’ « Ivo Livi » a eu un Molière en 2017…
Comment vivez-vous cette période de pandémie et de confinement ? Plutôt angoissante ou créatrice ?
No comment ! Mais bon puisque vous me le demandez… ni l’un ni l’autre. En colère de voir les gens pouvoir s’entasser, bouger, se parler dans les commerces et grandes surfaces ; et on interdit le théâtre, les musées, le cinéma ; donc je vis en Absurdistan.
Comédien vous-même, où vous épanouissez-vous le plus ?
Ce sont deux choses différentes. Déjà le statut d’auteur est très valorisé symboliquement. Il confère comme un statut quasi démiurgique. Etre auteur, peu importe ce que l’on écrit, renvoie à quelque chose de très profond dans l’inconscient collectif. Démiurgique donc, car il y a une possibilité d’ubiquité, on peut être en plusieurs endroits à la fois pour peu que plusieurs pièces soient jouées en même temps. Mais je ne pense pas qu’il soit possible d’écrire un texte qui va être joué tel quel. L’auteur ne peut avoir la prescience totale du plateau, il faut absolument adapter, des choses vont manquer, un style devra s’affiner… Je suis auteur-comédien, parce que j’aime cette confrontation immédiate à la scène, que je veux jouer ces pièces engagées, polémiques et festives ; il n’y en a pas tant que ça ; des pièces qui écorchent notre époque, qui parlent de moi aussi, poétiques, subversives ; si je les écris c’est que je ne les trouve pas ailleurs. Même si je me suis nourri de Brecht, Rimbaud, Rodrigo Garcia, Karl Valentin, Hanoch Levin...
Quel conseil donneriez-vous aux membres de casting.fr qui veulent jouer la comédie, comment se lancer dans une carrière professionnelle et espérer jouer un jour dans une de vos pièces ?
Se former, toujours se former ; lire des textes, sortir quand ce sera possible ; sinon voir un maximum de pièces sur des sites ; apprendre des textes, les répéter pour s’exercer avec des amis comédiens ; apprendre le chant, la danse, le travail sur le corps ; faire du clown… Et aussi demander des avis extérieurs pour ne pas s’enfermer dans des erreurs ; et s’enrichir. On ne s’enrichit qu’avec l’autre.